« Le consentement » de Vanessa Springora

Vanessa a 13 ans quand elle rencontre l’écrivain G.M. par le biais de sa mère qui travaille dans une maison d’édition. Très vite celui-ci commence à lui écrire. Vanessa ne voit jamais son père, celui-ci instable a fini par quitter le foyer. Elle est en manque de figure paternelle et voit en G. la chance d’être aimée par un homme comme son père. 

Commence alors l’emprise de cet homme de quarante ans son aîné sur cette jeune fille en manque d’attention. Il l’initie aux plaisirs sexuels et n’hésite pas à emmener sa petite conquête partout où il va. Peu de monde trouve cette relation malsaine à l’époque, même pas la mère de Vanessa. 

Il était une époque où un écrivain pouvait raconter ses exploits sexuels avec des mineurs garçons ou filles et ça ne choquait personne. On l’invitait même à de célèbres émissions littéraires. Ce même écrivain était certain d’être un bienfaiteur auprès de ces enfants, il les initiait, rien de mal à ça. 

Vanessa Springora raconte autre chose. L’histoire de l’emprise, de la manipulation, de la perversion d’un homme sur un esprit faible. Comment cette expérience a quasiment détruit sa vie, incapable pendant de longues années d’avoir une vraie relation avec un homme. 

Le consentement est une notion abstraite. Quel consentement peut donner une adolescente perdue entre un père absent et une mère démissionnaire ? Est-elle capable de consentir à quoi que ce soit ou simplement cherche-t-elle un peu d’attention pour exister ? 

Vanessa Springora nous livre son histoire, dure, sans fioritures ni faux-semblants pour enfin se libérer de cet homme qui a souillé plus que son corps. 

Edition Le Livre de Poche

« Né d’aucune femme » de Franck Bouysse

Alors que Gabriel est un jeune curé de campagne, il est appelé pour faire la mise en terre de Rose, morte à l’asile du coin. La veille lors d’une confession une femme lui demande de récupérer des carnets noirs qu’elle aurait caché sous la robe de la morte. Malgré ses réticences il décide de prendre les carnets et de les lire.

Dans une petite ferme, Rose est l’aînée de quatre filles. A 14 ans son père décide de la « vendre » à un gros propriétaire terrien de la région. Celle-ci est emmenée sans savoir ce qu’on attend d’elle. Une nouvelle vie faite de souffrance et de désillusion.

Je n’avais entendu que du bien de ce roman de Franck Bouysse et j’hésitais à le lire de peur d’être déçue. En fait ça a été la claque. Un roman d’une puissance étonnante. Dès les premières pages on sent qu’on entre dans une histoire particulière.Les personnages sont forts et complexes, les paysages extrêmement bien décrits participent à l’univers et l’écriture est magnifique.

Malgré la dureté et la violence de l’histoire ce n’est pas glauque, juste réaliste. Le destin de Rose est émouvant et déchirant. Le lecteur est en empathie totale avec elle. Réussir à saisir les lecteurs à ce point est l’apanage des grands écrivains. On referme ce roman avec un sentiment partagé entre tristesse et espoir.

Pour les quelques personnes qui ne l’auraient pas encore lu, vous pouvez vous y plonger sans crainte.

Édition Le Livre de Poche

« A même la peau » de Lisa Gardner

Dans la région de Boston, deux meurtres sont perpétrés à quelques semaines d’intervalle. Des femmes seules, retrouvées chez elles, mutilées, la peau arrachée.

L’inspectrice D.D. Warren se met sur l’affaire mais alors qu’elle était sur une des scènes de crime, elle fait une mauvaise rencontre et finit en bas des escaliers. Blessée, elle s’investit tout de même dans l’enquête. D’autant plus qu’il apparaît que ces meurtres en rappel d’autres commis quarante ans plus tôt.

Pour les aficionados de Lisa Gardner, le personnage de D.D. Warren est loin d’être une inconnue, pour les autres ils vont apprendre à connaître ce flic un peu tête brûlée qui travaille à l’instinct.

Lisa Gardner nous accroche une nouvelle fois avec cette histoire macabre où les liens de sang semblent être plus fort que le temps. Peut-on réellement se défaire de sa lignée familiale ?

Un très bon thriller signée par la nouvelle reine du polar américain.

Édition Le Livre de Poche

« Nature humaine » de Serge Joncour

Alexandre a repris la ferme familiale située au fin fond du Lot. Il vit seul dans cette ferme qui a abrité ses parents et ses trois sœurs, toutes parties dès que cela a été possible.

De 1976 à 1999, la ferme évolue. Alors qu’il se retrouve mêlé malgré lui à des exactions terroristes contre des centrales nucléaires, pour l’amour d’une fille, il participe à ces changements. Évolutions technologiques, intensification de l’élevage dû à l’essor des centres commerciaux et à la demande croissante, les terrains vendus pour laisser la place à des autoroutes. A l’aube de l’an 2000 qu’en est-il de la vie d’agriculteur ?

Serge Joncour dresse le portrait de la France profonde sur deux décennies. Profonde car il nous parle des campagnes et des gens qui y travaillent, les paysans. Alexandre représente tous ces jeunes gens qui ne voyaient d’autre avenir que poursuivre le travail de leurs pères. Parce que c’était ainsi mais aussi parce qu’ils y croyaient.

Au long de ces années la société a bien changé, la façon de cultiver, d’élever le bétail. Et Serge Joncour a les mots justes pour restituer au plus près cette époque. Des personnages vrais que j’aurais pu rencontrer, fille de la campagne que je suis.

Encore une fois un roman, témoin d’une époque, totalement maîtrisé qui mérite amplement toutes les récompenses reçues.

Édition Flammarion

« L’illusion » de Maxime Chattam

Val Quarios est une petite station de ski familiale qui ferme ses portes tous les étés. Quelques saisonniers restent sur place afin de s’occuper de la station et faire les réparations nécessaires. Hugo fait partie des nouveaux arrivants. Il vient de vivre une rupture douloureuse dont il a dû mal à se remettre et sa carrière d’auteur/acteur étant au point mort, il se dit que cinq mois isolé ne devrait pas être une mauvaise chose.

Cependant il ressent très vite des sensations étranges. Son imagination fertile ne l’aidant pas à relativiser, il ne se sent pas du tout à l’aise dans cet environnement vaste mais clos.

Les révélations de sa collègue Lily, présente sur la station depuis trois ans, ne vont pas du tout le rassurer et Hugo va tenter de découvrir ce qu’il se passe vraiment à Val Quarios.

Avant d’avoir lu « L’illusion », j’ai vu beaucoup beaucoup de critiques du livre. Du positif mais aussi pas mal de négatif, certains exprimaient de la déception. Et je comprends pourquoi on peut être déçu. Il ne se passe pas grand chose dans cette histoire, tout est y question d’ambiance et de sensation.

Le personnage de Hugo a des impressions, il croit voir des choses mais il ne lui arrive « réellement » rien, ou presque. Le sujet du roman tourne en partie autour d’un magicien, d’un illusionniste et Maxime Chattam s’amuse avec ça tout le long du roman car il ne s’agit que de faux-semblant. Le lecteur en vient à se demander si Hugo n’est pas tout simplement fou.

Heureusement la révélation finale surprend et nous oblige à tout reprendre depuis le début. Une lecture en demi-teinte mais qui permet malgré tout de passer un bon moment. On ne peut pas enlever à l’auteur le fait de savoir créer une ambiance et décrire des paysages envoûtants.

Albin Michel

Les vœux de Ma Libraire!

Pour ne pas déroger à la règle, Je tenais à vous souhaiter une bonne année 2021. Nouvelle année remplie, je l’espère, de belles lectures, de découvertes et de surprises. Que ces lectures vous apportent de la joie, des réponses, des questionnements, des émotions, qu’elles vous donnent envie d’être bienveillant et de surtout de propager de l’amour autour de vous.

Ma Libraire Bien-Aimée.

« Tout autre nom » de Craig Johnson

Le shérif Walt Longmire reprend du service. On fait appel à lui pour enquêter sur le suicide de l’inspecteur Gerald Holman qui se serait tiré deux balles dans la tête.

Pour comprendre son geste, Walt se penche sur les dossiers que Gerald était en train de traiter. Une affaire de disparitions de femmes semble une piste intéressante pour commencer.

Pour ceux qui ne connaissent pas encore les romans de Craig Johnson et son personnage de Walt Longmire, je ne peux que vous conseiller de vous y plonger.

Walt Longmire est shérif dans le Wyoming. Il est intransigeant, droit dans ses bottes, fidèle en amitié et surtout tenace quand il s’agit de mener une enquête jusqu’au bout. Le Wyoming est aussi un personnage à part entière dans les romans de Johnson. Un climat rude, froid et dangereux où il ne fait pas forcément bon vivre.

Dans cet opus Walt va encore devoir arpenter les décors arides du Wyoming en hiver, tempêtes de neige, rencontre avec des bisons et de superbes descriptions de paysage. Une enquête non sans danger, passionnante car elle met en avant notre héros dans toute sa splendeur. Un brin macho avec des répliques savoureuses.

Éditions Points.

« L’inconnu de la forêt » de Harlan Coben

Un petit garçon est retrouvé dans la forêt. Il semblerait qu’il vit là depuis longtemps mais qu’il s’est adapté. Il a même appris à lire et écrire en entrant clandestinement dans des maisons. On l’appelle Wilde.

Quelques années plus tard, Wilde vit toujours dans la forêt mais s’est forgé une réputation de détective privé. On fait appel à lui pour des enquêtes plutôt pointues.

Justement Hester Crimstein, avocate et amie de longue date, fait appel à lui. Son petit-fils Matthew est inquiet, une de ses camarades de classe a disparu. Celle-ci était le souffre-douleur de la classe et Matthew craint qu’elle n’ait fait une bêtise.

Harlan Coben connait la technique pour dérouler son histoire et faire en sorte que le lecteur veuille connaître la suite. Il instille des petits indices qui pourraient nous faire croire qu’on a résolu l’enquête. Et puis il nous emmène tout ailleurs histoire de bien montrer qui tient les rênes du récit.

Non nous ne sommes pas surpris par l’écriture de Coben que l’on connait si bien mais l’histoire tient la route avec un personnage principal énigmatique et complexe et des sujets d’actualité intéressants, le harcèlement scolaire et numérique, la corruption en politique et la montée au pouvoir d’un homme d’affaire qui veut tout révolutionner.

Un Coben efficace en somme.

Édition Belfond.

« Les fleurs de l’ombre » de Tatiana De Rosnay

L’histoire se passe dans un futur proche. Un futur un peu sombre où des attentats ont rayé de la carte la plupart des monuments les plus importants des grandes villes mondiales. La technologie a fait aussi un énorme bond en avant.

Clarissa Katsef est auteure, ses thèmes de prédilection étant les écrivains et leur rapport aux lieux qu’ils habitent. Alors qu’elle cherche un logement suite à son départ précipité du domicile conjugal, on lui parle d’une résidence d’artistes, flambant neuve, hyper high-tech où tout est géré par des ordinateurs.

Elle s’y installe mais très vite elle ressent de l’angoisse et a le sentiment d’être constamment observé.

Tatiana De Rosnay nous propose une uchronie, un roman d’anticipation où le monde s’est dégradé. Plus personne ne lit de livres papier, des drones commettent des attentats, le réchauffement climatique a continué de faire son œuvre et la pollution est à son comble.

Dans cet univers un peu noir on retrouve tous les thèmes favoris de l’écrivaine: l’influence du lieu où l’on vit, le deuil, le doute de l’artiste, le travail d’écriture de l’auteur et l’intimité bafouée.

Ce n’est pas mon roman préféré de Tatiana De Rosnay mais, comme à chaque fois, il y a une qualité d’écriture indéniable.

Édition Robert Laffont/Héloïse d’Ormesson

« Le loup des Cordeliers » de Henri Lœvenbruck

En Mai 1789 des tensions apparaissent en France et surtout à Paris. Dans ce contexte particulier, Gabriel Joly, jeune journaliste plein d’ambition arrive en ville. Très vite il se lie d’amitié avec une bande d’avocats tels que Desmoulins et Danton. Engagé au « Journal de Paris » grâce à son oncle, Gabriel s’intéresse de près à des agressions qui ont eu lieu dans le quartier des Cordeliers. Un mystérieux justicier accompagné d’un loup règle son compte à des hommes qui ont attaqué des femmes.

Aidé d’un drôle de pirate nommé Récif, il va mener une enquête qui pourrait le mener dans les plus hautes sphères du pouvoir, à l’aube de la Révolution.

Pour ceux qui connaissent le monde du thriller, Henri Lœvenbruck n’est pas un nom inconnu. On loue déjà son talent de conteur, souvent noir, et son goût pour l’histoire. Il récidive ici avec cette enquête au temps de la Révolution. Hyper documenté et , ce récit nous embarque totalement. L’auteur mêle l’histoire, le thriller, l’aventure mais aussi l’humour. Le duo Gabriel/Récif est des plus savoureux.

Henri Lœvenbruck met en scène les grands noms de l’époque comme Danton ou Mirabeau pour notre plus grand bonheur. Personnellement il m’a fait découvrir le personnage de Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt qui a vraiment existé, une des premières féministes de l’Histoire. Si vous n’avez pas ouvert un dictionnaire ou Wikipédia après avoir fini ce livre afin de vérifier les évènements c’est que vous n’êtes pas très curieux!

« Le loup des Cordeliers » est un premier tome, le deuxième étant déjà sorti, vous aurez forcément envie de connaître la suite de ce thriller à la Alexandre Dumas mais en résolument plus moderne.

Édition Pocket.