Terres fauves de Patrice Gain

David McCae est un écrivain en panne d’inspiration. Afin de le relancer son agent lui propose d’écrire la biographie du gouverneur Kearny, en lice pour une future réélection.
Pour alimenter son récit, David doit partir en Alaska rencontrer Dick Carlson, célèbre alpiniste et ami du gouverneur.
Il va rencontrer là-bas l’hostilité et la violence des hommes et de la nature.

J’aime les romans dépaysants. Ici je suis servie. Le héros et le lecteur font face à une terre hostile et brutale où les hommes peuvent se montrer aussi violents que les animaux.

Ce thriller m’a fait penser aux grands romans américains de Nature Writing, comme ceux de David Vann ou de Richard Wagamese. Des romans où l’homme se retrouve seul, livré à lui-même dans un environnement où il n’est plus le maître.

Patrice Gain nous offre un récit saisissant, sa description de la nature est plus que réaliste, le cadre est angoissant. Le héros David, à travers de cet affrontement avec les éléments, va trouver un nouveau souffle, une sorte de rédemption.

J’ai lu quelques critiques de ce roman qu’on qualifie de peu crédible. Je peux comprendre mais moi j’adhère, je me suis laissée emporter. C’est un peu un conte où le héros doit passer des épreuves pour se métamorphoser. Il s’agit plus ici d’un roman noir que d’un thriller à proprement dit mais je le conseille vivement aux amateurs de littérature américaine et des grands espaces.

Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin

Aujourd’hui je vous parle de “Ce qu’il faut de nuit” de Laurent Petitmangin, édité depuis peu au Livre de Poche.

C’est un livre dont on a beaucoup entendu parler l’année dernière lors de sa sortie en grand format. Il a d’ailleurs remporté quelques prix.

C’est l’histoire d’un homme qui se retrouve seul avec ses deux fils suite au décès de sa femme. Deux bons fils, sans problème, jusqu’au jour où le plus âgé est vu en compagnie de jeunes d’extrême droite. Le père cherche à comprendre sans vraiment poser de question. Le dialogue n’a jamais été au centre de la famille.

L’auteur propose un premier roman très touchant sur la parentalité et la transmission. Peut-on tout accepter de ses enfants ? Doit-on les soutenir coute que coute ? Est-on responsable de leur choix politique ? Autant de questions abordées dans ce court roman. Un roman qui est très juste dans les sentiments et les relations familiales qu’il traite. L’écriture est précise et poignante, Laurent Petitmangin cerne parfaitement les tourments de ce père.

Les louanges que j’avais lu sont tout à fait méritées.

L’avez-vous lu ?

« Une bête au paradis » de Cécile Coulon

Le Paradis est une ferme où Emilienne élève seule ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel. Leurs parents sont morts au détour d’un virage. Elle recueille également Louis, un adolescent battu par son père, qui va faire du Paradis son seul univers. 

A l’adolescence Blanche rencontre Alexandre, un garçon beau et solaire. Ayant beaucoup de facilités, Blanche aide Alexandre à remonter sa moyenne. 

Premier copain, premier amour et premier chagrin. 

« Une bête au paradis » c’est l’histoire d’un amour fou. Un amour pour une ferme, pour une terre mais aussi pour un homme. Un amour qui fait perdre la tête et oublier les choses et les gens qui comptent vraiment. 

Blanche est une femme dont la passion l’emporte sur la raison, pour qui la sensation et le ressenti prime sur le reste. L’odeur d’un corps comme l’odeur d’une bête. 

On assiste à un huis clos oppressant, la tension nait petit à petit, tous les personnages agissent et réagissent intensément, de manière viscérale. C’est violent et beau en même temps et très poétique comme peut l’être Cécile Coulon.  

Quand le Paradis rejoint l’enfer. 

Edition Le Livre de Poche

« Le consentement » de Vanessa Springora

Vanessa a 13 ans quand elle rencontre l’écrivain G.M. par le biais de sa mère qui travaille dans une maison d’édition. Très vite celui-ci commence à lui écrire. Vanessa ne voit jamais son père, celui-ci instable a fini par quitter le foyer. Elle est en manque de figure paternelle et voit en G. la chance d’être aimée par un homme comme son père. 

Commence alors l’emprise de cet homme de quarante ans son aîné sur cette jeune fille en manque d’attention. Il l’initie aux plaisirs sexuels et n’hésite pas à emmener sa petite conquête partout où il va. Peu de monde trouve cette relation malsaine à l’époque, même pas la mère de Vanessa. 

Il était une époque où un écrivain pouvait raconter ses exploits sexuels avec des mineurs garçons ou filles et ça ne choquait personne. On l’invitait même à de célèbres émissions littéraires. Ce même écrivain était certain d’être un bienfaiteur auprès de ces enfants, il les initiait, rien de mal à ça. 

Vanessa Springora raconte autre chose. L’histoire de l’emprise, de la manipulation, de la perversion d’un homme sur un esprit faible. Comment cette expérience a quasiment détruit sa vie, incapable pendant de longues années d’avoir une vraie relation avec un homme. 

Le consentement est une notion abstraite. Quel consentement peut donner une adolescente perdue entre un père absent et une mère démissionnaire ? Est-elle capable de consentir à quoi que ce soit ou simplement cherche-t-elle un peu d’attention pour exister ? 

Vanessa Springora nous livre son histoire, dure, sans fioritures ni faux-semblants pour enfin se libérer de cet homme qui a souillé plus que son corps. 

Edition Le Livre de Poche

« Né d’aucune femme » de Franck Bouysse

Alors que Gabriel est un jeune curé de campagne, il est appelé pour faire la mise en terre de Rose, morte à l’asile du coin. La veille lors d’une confession une femme lui demande de récupérer des carnets noirs qu’elle aurait caché sous la robe de la morte. Malgré ses réticences il décide de prendre les carnets et de les lire.

Dans une petite ferme, Rose est l’aînée de quatre filles. A 14 ans son père décide de la « vendre » à un gros propriétaire terrien de la région. Celle-ci est emmenée sans savoir ce qu’on attend d’elle. Une nouvelle vie faite de souffrance et de désillusion.

Je n’avais entendu que du bien de ce roman de Franck Bouysse et j’hésitais à le lire de peur d’être déçue. En fait ça a été la claque. Un roman d’une puissance étonnante. Dès les premières pages on sent qu’on entre dans une histoire particulière.Les personnages sont forts et complexes, les paysages extrêmement bien décrits participent à l’univers et l’écriture est magnifique.

Malgré la dureté et la violence de l’histoire ce n’est pas glauque, juste réaliste. Le destin de Rose est émouvant et déchirant. Le lecteur est en empathie totale avec elle. Réussir à saisir les lecteurs à ce point est l’apanage des grands écrivains. On referme ce roman avec un sentiment partagé entre tristesse et espoir.

Pour les quelques personnes qui ne l’auraient pas encore lu, vous pouvez vous y plonger sans crainte.

Édition Le Livre de Poche

« A même la peau » de Lisa Gardner

Dans la région de Boston, deux meurtres sont perpétrés à quelques semaines d’intervalle. Des femmes seules, retrouvées chez elles, mutilées, la peau arrachée.

L’inspectrice D.D. Warren se met sur l’affaire mais alors qu’elle était sur une des scènes de crime, elle fait une mauvaise rencontre et finit en bas des escaliers. Blessée, elle s’investit tout de même dans l’enquête. D’autant plus qu’il apparaît que ces meurtres en rappel d’autres commis quarante ans plus tôt.

Pour les aficionados de Lisa Gardner, le personnage de D.D. Warren est loin d’être une inconnue, pour les autres ils vont apprendre à connaître ce flic un peu tête brûlée qui travaille à l’instinct.

Lisa Gardner nous accroche une nouvelle fois avec cette histoire macabre où les liens de sang semblent être plus fort que le temps. Peut-on réellement se défaire de sa lignée familiale ?

Un très bon thriller signée par la nouvelle reine du polar américain.

Édition Le Livre de Poche

« Les anonymes » de R.J Ellory

Quatre femmes ont été assassinées à Washington. Elles ont été retrouvées accroupies au pied de leur lit, rouées de coup, un ruban autour du cou.

Il n’en faut pas plus aux journalistes pour créer la légende du Tueur au Ruban. Mais l’inspecteur Miller s’interroge car le modus operandi de la dernière victime diffère un peu des précédentes. Qui plus est, la vie de cette femme présente énormément de blancs, comme si elle n’avait jamais existé.

A chaque lecture d’un roman de R.J Ellory on entre un peu plus dans les méandres de la politique américaine. A chaque fois l’auteur nous dévoile une part sombre de l’Amérique. Dans « Les Anonymes » , Ellory touche au sujet de l’ingérence de certains organismes américains type CIA dans la politique d’autres pays, en l’occurrence le Nicaragua. Et surtout aux « méthodes » de ces fameux organismes.

L’enquête sur les meurtres est le fil de la pelote qu’on déroule. Elle va permettre de mettre au jour un engrenage d’une ampleur nationale qui va aller bien au-delà des compétences des inspecteurs en charge.

R.J Ellory nous régale avec son écriture incisive et ses personnages toujours un peu bancales et torturés mais qui sont si proches de la réalité. Le rythme de l’enquête est lent, à l’image des difficultés des inspecteurs à démêler les rouages de l’intrigue.

Une grande réussite.

Edition Le Livre de Poche

« Dans la toile » de Vincent Hauuy

Isabel Gros, critique d’art, vient de vivre un terrible cauchemar. Survivante d’une fusillade, elle a passé deux semaines dans le coma. Elle subit de lourdes séquelles, troubles de la mémoire, syndrome post-traumatique. Son mari, médecin, qui s’occupe d’elle, décide de l’emmener dans un chalet isolé dans les Vosges afin qu’elle se sente mieux loin du monde.

Mais la vie dans le chalet n’est pas de tout repos. Elle a des crises de somnambulisme, des trous noirs et son mari lui cache des choses.

Vincent Hauuy distille une atmosphère oppressante tout au long du roman. Huis clos un tantinet inquiétant où la paranoïa se mêle à l’irrationnel. Le lecteur ne sait pas si Isabel est dérangée ou si vraiment il se passe des choses bizarres autour d’elle.

L’auteur est très habile et surprend constamment le lecteur, on croit comprendre ce qu’il se passe mais les choses ne sont jamais aussi simples qu’on pourrait le croire.

Voilà un thriller psychologique des plus efficaces.

Édition Le Livre de Poche

« Octobre » de Søren Sveistrup

Une jeune femme est retrouvée dans une aire de jeux pour enfants. Son corps mis en scène est amputé d’une main, un petit bonhomme fabriqué en marrons accroché au-dessus d’elle. L’enquête est confiée à Naia Thulin, qui pense à son prochain départ de l’équipe, et à Mark Hess, transfuge de Europol. Très vite une deuxième femme est assassinée avec la même mise en scène. On découvre que les empreintes d’une petite fille disparue depuis un an apparaissent sur les marrons.

Je n’en dis pas plus car il faut vraiment découvrir ce thriller sans en savoir trop. Je ne connaissais pas moi-même l’histoire, je m’étais laissée guider par toutes les bonnes critiques que j’avais vu passer. Et je l’ai dévoré.

Tout est bien fait dans cette histoire. Le prologue qui intrigue, les scènes de crime macabres, les personnages de policiers tout en failles et questionnements, l’ambiance tendue et le dénouement inattendu. Une maîtrise du suspense qui tient tout le long, des petits rebondissements qui nous font croire qu’on a compris qui était le meurtrier.

Je me suis laissée totalement embarquer par ce premier roman. Søren Sveistrup est le scénariste de la série « The Killing », on sent la technique du raconteur d’histoires.

Bref très efficace et addictif, tout ce qu’on attend d’un bon thriller.

Édition Le Livre de Poche

« Seul le silence » de R.J.Ellory

Au fin fond de la Géorgie, Joseph, douze ans, vit seul avec sa mère, son père étant récemment décédé. Près de chez eux des fillettes sont sauvagement assassinées après avoir été violées. Cela dure depuis quelques mois, Joseph découvre même une des victimes aux abords de sa maison. Cet évènement va le marquer à jamais. Et même alors qu’il aura quitté la région pour s’installer à New-York, cette histoire va le rattraper, les meurtres n’ont jamais cessé.

Premier roman de R.J.Ellory édité en France, « Seul le silence » marque le début d’un auteur important, qui a son univers à lui et sa façon propre de raconter des histoires.

« Seul le silence » est un roman prenant, intense. Ellory nous compte l’histoire de Joseph, un homme aux prises avec les démons de son enfance, hanté par les meurtres barbares de petites filles qu’il connaissait. Exceptionnellement doué pour l’écriture, il va s’en servir pour exorciser tout ça. Accablé par les évènements tragiques qui traversent sa vie, il n’aura de cesse de trouver l’assassin.

Un roman dense et poignant. On suit ce personnage de son enfance à son âge adulte et on est en totale empathie avec lui. Comment peut-on vivre en endurant tant de souffrance? Un roman noir avec en filigrane ces meurtres commis par un esprit complètement dérangé.

Je ne peux que vous le recommander.

Édition Le Livre de Poche