« My absolut darling » de Gabriel Tallent

L’univers de Julia Alveston alias Turtle tourne autour de son père, manipulateur et violent, et les bois autour de chez elle, qu’elle arpente fusil à la main. A 14 ans sa seule vie sociale se résume au lycée où elle n’a pas d’amis. Jusqu’au jour où elle rencontre Jacob et Brett, deux adolescents perdus dans la forêt à qui elle apporte son aide. 

Elle comprend alors que la vie qu’elle mène avec son père n’est peut-être pas irréversible et qu’elle peut chercher sa liberté.  

« My absolut darling » est une véritable claque littéraire, d’une puissance et une intensité folle. Gabriel Tallent démontre un talent dingue avec ce roman sur la relation exclusive et ambivalente entre un père et sa fille. Sous couvert de survivalisme Martin garde sa fille près de lui dans une relation de dépendance affective. Il lui voue un amour absolu, total, à la limite de la folie. 

Turtle va devoir briser le carcan paternel et se dépasser pour s’en sortir.  

C’est violent, empli de colère et de révolte et ça prend le lecteur aux tripes. Impossible de lâcher ce roman une fois qu’on l’a commencé.  

Edition Gallmeister

« Toutes blessent, la dernière tue » de Karine Giebel

Orpheline de mère, Tama a 8 ans lorsque son père la confie à Mejda, une connaissance qui va l’emmener en France. Celle-ci promet de s’occuper d’elle, son père pensant que Tama aurait plus de chance là-bas. Mais Mejda, une fois en France, la vend comme esclave à sa belle-famille. Tama doit alors faire le ménage, la lessive, la cuisine, s’occuper des enfants et surtout supporter les brimades de ce couple hyper violent. Une couche à même le sol pour dormir et des restes pour repas.

Un véritable enfer qu’elle endure avec résignation. Tama apprend à lire et à écrire par elle-même et s’évade tous les soirs dans sa tête. Son seul moment de bonheur est la visite de Izri, le fils de Mejda, qui est l’unique personne à lui accorder de la considération.

Parallèlement on suit Gabriel. Un homme qui vit en ermite dans un endroit reculé. Hanté par un lourd passé, il trouve un matin une jeune fille blessée dans son écurie. Elle ne se souvient de rien. Qui est-elle?

Karine Giebel ne mâche pas ses mots et nous livre une histoire terrifiante. Terrifiante quand on sait que l’esclavagisme existe encore de nos jours et que des petites filles sont vendues comme des objets et sont moins bien traitées que des animaux de compagnie. C’est une fiction car c’est romancé mais le fond est une réalité.

On en oublie qu’il s’agit d’un thriller tellement l’histoire de Tama nous prend aux tripes. Une héroïne pure et dure qui courbe l’échine mais ne plie pas face à la violence dont on fait preuve à son égard. Karine Giebel nous propose un panel de personnages complexes où la ligne blanche entre le bien et le mal est très mince.

Que l’épaisseur de l’ouvrage ne vous effraie pas, « Toutes blessent, la dernière tue » se lit quasiment d’une traite, vous ne fermerez pas ce livre avant de savoir si Tama s’en sort à la fin.

Édition Pocket

« L’empathie » de Antoine Renand

« Vous ne dormirez plus jamais la fenêtre ouverte »

Cette phrase d’accroche en forme de teaser n’est pas anodine. En effet, Alpha est un prédateur sexuel hyper violent, il escalade les murs des immeubles et s’immisce chez des couples qu’il a croisé auparavant, par hasard. Il prend plaisir à frapper l’homme, tout en le gardant éveillé afin qu’il assiste au viol de sa femme. Ultra violent et ultra méthodique.

Anthony Rauch, alias la Poire, est sur l’enquête qui vise à mettre fin aux agissements du « lézard ». Capitaine de police dans une brigade spécialisée dans les crimes sexuels, on comprend vite qu’il a lui-même pas mal de choses à cacher.

Pour un premier roman Antoine Renand frappe fort. Il maitrise son sujet, très dur au demeurant. Il pousse la prouesse à créer des personnages très complexes. On rentre dans la psyché de chaque personnage, ils ont tous un passé douloureux et un sacré bagage à porter.

L’écriture est directe, les choses sont dites, même les plus crues. Les scènes de viol sont particulièrement dures. Âme sensible s’abstenir. Grâce à la construction originale de son thriller et des digressions qui forment finalement un tout, Antoine Renand tient le lecteur du début à la fin. C’est oppressant et dérangeant avec un sentiment d’urgence tout le long de l’histoire.

Voilà un auteur qui rentre par la grande porte dans le monde du thriller.

Édition Pocket

« Cauchemar » de Paul Cleave

A Acacia Pines, une petite fille a disparu. Noah, un des flics chargés de l’enquête, arrête un suspect et le torture afin de lui faire avouer l’endroit où l’enfant est séquestré. Une fois l’info obtenue il se précipite là-bas et délivre la fillette. Mais ses actes ne vont pas restés impunis d’autant que le suspect présumé n’est autre que le fils du shérif.

Noah quitte la ville et refait sa vie loin de là. L’histoire pourrait s’arrêter là. Mais douze ans plus tard son ex-femme l’appelle. Alyssa, la petite fille devenue jeune femme, a de nouveau disparu.

Paul Cleave nous a habitué à des thrillers tendus et très souvent assez tordus. On le retrouve ici au mieux de sa plume. Une histoire cauchemardesque où la violence est omniprésente. L’auteur nous a aussi habitué aux anti-héros, par exemple en prenant un serial killer comme narrateur. Dans « Cauchemar », Noah n’est pas le héros parfait, il a même beaucoup de failles et n’hésite pas à déborder du cadre pour arriver à ses fins. C’est intéressant de ne pas avoir affaire à un personnage lisse. On ne sait donc plus si on doit éprouver de l’empathie pour lui.

Paul Cleave est déroutant, il se joue de son lecteur et s’amuse à le perturber. Il rythme son récit de manière intense et l’action ne faiblit jamais. A l’instar de son personnage on respire très peu tout du long.

Vous l’aurez compris j’ai plutôt aimé ce nouveau thriller de Cleave et si vous avez envie d’une histoire vitaminée et riche en rebondissements, je ne peux que vous conseiller de le lire!

Sonatine Édition

« Leurs enfants après eux » de Nicolas Mathieu

« Leurs enfants après eux » de Nicolas Mathieu
Chroniques de livres et conseils de lecture

 

Quatre étés de 1992 à 1998, qui racontent la vie de quelques adolescents dans un ville de l’Est. Une ville touchée par le chômage suite à l’arrêt des hauts-fourneaux. Les pères n’ont plus de travail et boivent des coups au bar du coin, les jeunes traînent leur mal-être.

Anthony a quatorze ans. Avec son cousin ils bravent les interdits afin de vivre un peu et rompre la monotonie ambiante. Hacine, lui, a 16 ans et c’est le petit caïd de banlieue. Stéphanie ne rêve que d’une chose, partir loin d’ici.

Chronique sociale d’une vallée industrielle à l’abandon, « Leurs enfants après eux » c’est aussi la chronique de la jeunesse de l’époque, avec ce que ça comporte de violence, de sexe, d’alcool, tout ça sous fond de racisme.

Nicolas Mathieu nous donne à penser avec son écriture intense, très juste, et des dialogues au plus près de la réalité. Des personnages d’une terrible vérité. Un texte bouleversant empreint de poèsie et de mélancolie.

Une très belle plume à suivre de près.

Editions Actes Sud.

« Profession du père » de Sorj Chalandon

"Profession du père" de Sorj Chalandon. Chroniques de livres et conseils de lecture par MLBA.
« Profession du père » de Sorj Chalandon. Chroniques de livres et conseils de lecture par MLBA.

Envie d’un roman doux-amer?
Envie d’émotions fortes?
Voici ma potion:

Profession du père, c’est la question que l’on pose chaque rentrée scolaire à Émile Choulans et c’est la question à laquelle il ne sait pas répondre.

Émile est petit garçon dans les années 50. Il vit sous la coupe de son père violent, tyrannique et manipulateur. Son père qui selon ses dires a été footballeur professionnel, à l’origine de la création des Compagnons de la Chanson, ou encore professeur de judo, il raconte aussi à Émile qu’il fait partie de l’OAS et qu’ils vont assassiner De Gaulle. Il le fait lever la nuit pour l’entrainer, lui confie des missions et lui parle de son fameux parrain, Ted, militaire américain ayant perdu un bras à la guerre.

Sa mère, totalement silencieuse, ne peut rien faire quand Émile se retrouve sous les coups de son père.

Sorj Chalandon nous offre encore une fois un roman tout en émotion. Cette fois-ci sur une relation père-fils destructrice.

Comment cet enfant, traumatisé à vie par ce père mythomane pourra arriver à devenir un adulte « normal ». Sorj Chalandon, tout en pudeur, nous expose cette histoire terrible sans oublier d’y glisser ici et là des notes d’humour.

Quand on apprend que l’auteur s’est inspiré de son enfance pour écrire ce roman, toute l’histoire prend un sens encore plus intense et douloureux.

Un récit bouleversant.

Édition Grasset