Obscuritas de David Lagercrantz

Micaela Vargas est une jeune policière, qui est appelée à rejoindre l’équipe de l’affaire Jamal Kabir. Un arbitre de foot assassiné après un match. Même si l’enquête semble simple, des zones d’ombre persistent.
On fait appel à Micaela car elle vient du même quartier défavorisé que le principal suspect, Costa. Ses supérieurs pensent qu’elle pourra le faire parler. Elle ne croit cependant pas à sa culpabilité, tout comme Hank Rekke, psychologue à qui la police demande conseil.
Une affaire plus large commence à voir le jour.

David Lagercrantz est l’auteur devenu célèbre pour avoir repris avec brio la fameuse saga Millénium écrite à l’origine par Stieg Larsson.
On retrouve d’ailleurs un peu ici de la mécanique implacable que l’on pouvait découvrir dans cette série.
La mise en place des personnages, des éléments qui se rajoutent petit à petit pour nous faire douter de ce qu’on lit et un scénario diabolique qui se révèle, tout ça sans oublier le contexte politique qui tient une place à part entière. Ici une plongée dans le monde des Talibans.
Nous sommes à mi-chemin entre le roman d’espionnage et le thriller politique.

L’intrigue est bien menée, les personnages de Micaela et Hank sont plutôt complexes et on sent bien que l’auteur pose ses héros en imaginant plusieurs suites. Il met en place un duo d’enquêteurs que tout oppose mais qui font du bon boulot. Nous avons d’ailleurs déjà envie de connaitre leurs futures investigations.


Malgré quelques longueurs « Obscuritas » est donc un bon thriller.

Terres fauves de Patrice Gain

David McCae est un écrivain en panne d’inspiration. Afin de le relancer son agent lui propose d’écrire la biographie du gouverneur Kearny, en lice pour une future réélection.
Pour alimenter son récit, David doit partir en Alaska rencontrer Dick Carlson, célèbre alpiniste et ami du gouverneur.
Il va rencontrer là-bas l’hostilité et la violence des hommes et de la nature.

J’aime les romans dépaysants. Ici je suis servie. Le héros et le lecteur font face à une terre hostile et brutale où les hommes peuvent se montrer aussi violents que les animaux.

Ce thriller m’a fait penser aux grands romans américains de Nature Writing, comme ceux de David Vann ou de Richard Wagamese. Des romans où l’homme se retrouve seul, livré à lui-même dans un environnement où il n’est plus le maître.

Patrice Gain nous offre un récit saisissant, sa description de la nature est plus que réaliste, le cadre est angoissant. Le héros David, à travers de cet affrontement avec les éléments, va trouver un nouveau souffle, une sorte de rédemption.

J’ai lu quelques critiques de ce roman qu’on qualifie de peu crédible. Je peux comprendre mais moi j’adhère, je me suis laissée emporter. C’est un peu un conte où le héros doit passer des épreuves pour se métamorphoser. Il s’agit plus ici d’un roman noir que d’un thriller à proprement dit mais je le conseille vivement aux amateurs de littérature américaine et des grands espaces.

« Adieu demain » de Michael Mention

Aujourd’hui je vous parle de “Adieu demain” de Michael Mention, édité chez Rivages Noir.
Vingt ans après l’arrestation d’un tueur en série surnommé “l’éventreur du Yorkshire”, des femmes sont à nouveau assassinées, transpercées par un carreau d’arbalète. Le superintendant Mark Burstyn déjà sur l’enquête vingt ans plus tôt craint que tout recommence. Epaulé par l’inspecteur Clarence Cooper, ils se donnent corps et âmes dans la recherche du coupable.


J’ai été soufflé par la façon dont cette histoire est narrée. On suit, parallèlement à l’enquête, Peter sur plus de vingt ans de sa vie. Un jeune homme marqué très tôt par la violence de son père, le divorce de ses parents et la rencontre en prison du fameux éventreur du Yorkshire. Non seulement l’auteur nous fait entrer dans l’esprit de ses personnages mais il nous donne aussi à voir les grands évènements marquants de la Grande Bretagne des années 70 à nos jours. Les personnages évoluent avec leur temps et c’est presque une chronique sociologique qu’il nous offre là. Avec en fond une bande son excellente.


C’est en tous cas un thriller ingénieusement mené qui nous met à bout de souffle tellement il est intense. Je n’avais pas lu “Sale temps pour le pays” qui serait le premier volet de cette trilogie, je vais remédier à cet oubli.

Editions Rivages

« Qu’à jamais j’oublie » de Valentin Musso

Aujourd’hui je vous parle de “Qu’à jamais j’oublie” de Valentin Musso, édité l’an dernier aux éditions du Seuil.
Alors que Théo rentre chez lui après le vernissage de l’exposition qu’il a créé autour des photos de son père Joseph Kircher, il apprend que sa mère, Nina, a été arrêté pour tentative de meurtre. Celle-ci aurait en effet poignardé un homme avant d’être retrouvée dans un état catatonique sans pouvoir proférer une seule parole. Il décide de la rejoindre afin d’en savoir plus et sa recherche de vérité va le conduire dans le passé de sa mère dont il ignorait tout.
Valentin Musso nous offre un polar bien ficelé où le personnage qui mène l’enquête n’est pour une fois pas un flic mais un fils en quête de vérité. C’est efficace, il y a peu de temps mort ou de superflu et c’est pour ça que ça se lit si bien. On reste pas mal dans le superficiel au niveau psychologie des personnages mais ça ne gâche pas le plaisir de lecture. L’histoire de la mère de Théo est particulièrement touchante d’autant plus qu’elle est basée sur des faits réels, un pan de l’histoire suisse dont je n’avais aucune idée. Et vous savez comme j’aime apprendre des choses en lisant !
J’aime aussi dans les romans tout ce qui touche aux secrets de famille, là je suis ravie. Encore une preuve que les secrets et les mensonges peuvent avoir de graves conséquences.

« Le cercle des cœurs solitaires » de Lotte et Soren Hammer

Aujourd’hui je vous parle de “le cercle des cœurs solitaires” de Lotte et Soren Hammer, édité chez Actes Sud dans la collection Actes Noirs. C’est un livre que j’ai depuis très longtemps dans ma bibliothèque.
L’inspecteur Konrad Simonsen revient juste d’un arrêt maladie après avoir fait une crise cardiaque. Il reprend doucement et pour le ménager sa supérieure lui donne une “petite” enquête. Il s’agit de confirmer la mort accidentelle d’un postier des suites d’une chute dans les escaliers, survenue quelques mois plus tôt. Mais la découverte d’un étrange mausolée dans le grenier de la victime va mettre en doute les circonstances de sa mort.
Voilà un thriller danois écrit à quatre mains qui peut un peu dérouter les novices du polar scandinave. Tout est très lent à se mettre en place. Jusqu’à la moitié du récit on se demande même s’il y a matière à écrire une histoire. Les investigations de l’inspecteur Simonsen tombent à l’eau, le lecteur a plus d’indications sur la santé du personnage principal que sur l’enquête en elle-même. On se demande vraiment où les auteurs veulent en venir. Et puis la magie opère, on se laisse balloter par le rythme étrange du roman, on apprécie de prendre le temps et le final n’en est que plus fort.
Ce n’est pas à mettre entre les mains de ceux qui cherchent de l’action ou de la tension, mais pour les autres, je vous invite à découvrir ces auteurs peut-être en commençant par “Morte la bête” que j’avais beaucoup aimé.

« Un coeur sombre » de R.J. Ellory

Aujourd’hui je vous parle de “un cœur sombre” de RJ Ellory, édité chez Sonatine et au Livre de Poche.
Vincent Madigan est flic, ce genre de flic qui peut faire quelques compromissions avec son rôle de porteur de la loi et qui a donc plus d’une fois franchi la ligne rouge. Il boit trop, prend des cachets en tous genres et pour sortir de cette spirale infernale a la bonne idée de braquer le plus gros bandit du coin à qui il doit de l’argent. Bien évidemment les choses ne se passent pas comme prévu, il est obligé de tuer ses complices, une petite fille est blessée et il va tout mettre en œuvre pour essayer de réparer ses erreurs.
“Un cœur sombre” c’est l’histoire d’un anti-héros. Le portrait d’un homme pétri d’ambiguïté et de culpabilité, capable du pire comme du meilleur. Un homme qui s’est laissé entrainer du côté obscur malgré lui. Un vrai ripou à qui on n’arrête pas de dire que c’est un homme bien.
C’est un véritable pari de prendre pour héros un personnage aussi ambivalent.
Franchement je n’arrive pas à comprendre pourquoi je n’ai pas lu ce livre avant, moi qui suis une si grande fan de Ellory. Il y a tout ce qu’on peut attendre d’un roman noir, des personnages sombres, des meurtres, des questionnements, des remises en question, de la tension, des rédemptions.
Peut-on être lavé de tous nos péchers si on fait une bonne action ? Question en filigrane de tout le roman.
C’est noir, c’est violent, c’est brillant, comme un film de Coppola ou de Scorsese mâtiné de Tarantino. R.J. Ellory est décidément un des meilleurs auteurs anglais du moment.

Apparition de Viktor Vincent

Aujourd’hui je vous parle de “Apparition” de Viktor Vincent. Premier roman pour cet auteur, plutôt connu en tant que mentaliste.


Sam est ouvreur au théâtre des Elysées, il rêve de rencontrer Alexandre Kreskine, un des plus célèbres illusionnistes au monde, qui se produit actuellement au théâtre. Lui-même féru de tours de magie, il souhaite aussi découvrir ce qu’il s’est vraiment passé lors de l’assassinat de son frère, auquel Kreskine serait mêlé. Une relation malsaine démarre entre les deux hommes.


Premier thriller pour Viktor Vincent qui prend pour thème le monde de la magie et du spectacle qu’il doit connaitre par cœur. On sent d’ailleurs en le lisant que l’auteur sait de quoi il parle, il nous fait entrer dans ce monde à part. Le personnage de Kreskine est mystérieux, plusieurs chapitres sur sa jeunesse éclairent un peu les zones d’ombre mais le malaise l’entoure. Archétype du personnage très sombre et complexe, professeur dominateur, Kreskine est presque un cliché mais on y croit.


On pourrait reprocher que la quête de départ de Sam, la résolution du meurtre de son frère, passe en second plan derrière la relation qu’il entretient avec son mentor. Ça n’en reste pas moins un bon roman à ambiance qui lève quelques voiles sur des tours de prestidigitation.
Prometteur.

Fleuve Editions

Ceux d’à côté de M.T. Edvardsson

Aujourd’hui je vous parle de “Ceux d’à côté” de M.T. Edvardsson . Auteur dont j’ai lu le premier roman récemment “une famille presque normale” et qui m’avait laissé un peu dubitative.


Micke et Bianca Andersson ont décidé de quitter Stockholm pour Köpinge, petite localité résidentielle afin d’élever au mieux leurs deux enfants. Un quartier résidentiel qui implique un voisinage proche avec qui il faut vivre pour le meilleur et pour le pire. Ils vont l’apprendre à leurs dépens.


L’auteur utilise le même procédé de narration que dans son précédent roman avec des chapitres alternant entre passé et présent et des narrateurs multiples autour d’un évènement tragique. Les allers-retours dans le temps vont permettre aux lecteurs de se faire une idée des raisons du drame.


Le procédé est efficace car il nous fait douter de tout ce qu’on lit, les différents narrateurs nous disent-ils la vérité ? M.T. Edvardsson réussit le pari de rendre chaque personnage suspect, de rendre ce petit quartier et ses gens bien sous tous rapports très louches. C’est vraiment très efficace car la tension est quasi palpable.


J’ai, pour ma part, préféré celui-ci au premier, je me demande maintenant ce que l’auteur va nous réserver pour son prochain roman.

Edition Sonatine

Le serpent majuscule de Pierre Lemaitre

Aujourd’hui je vous parle du premier polar écrit par Pierre Lemaitre et qui n’avait jamais été publié.

Nous allons suivre une tueuse à gage plutôt originale. Mathilde a la soixantaine bien sonnée, de l’embonpoint et sans doute un début d’Alzheimer. Alors qu’elle devrait se séparer des armes à chaque opération, Mathilde les ramène chez elle sans se rappeler de comment ni pourquoi elle les a utilisés. Evidemment à un moment ça dérape et son chef, le Commandant, commence à se poser des questions sur l’efficacité de la tueuse.

Pierre Lemaitre annonce en préambule que ce roman marque ses adieux au genre polar. La réédition de son premier roman noir sera aussi son dernier. Vu le plaisir que l’on prend à lire ce récit réjouissant et décalé, on peut se demander si ce n’est pas dommage que ce soit le dernier. L’auteur nous offre un roman noir caustique avec une héroïne loufoque et dérangée que rien ne peut arrêter.

Souvent les morts sont absurdes, fantaisistes et aucun personnage n’est à l’abri d’une balle perdue. C’est drôle, ça fait grincer les dents, c’est délirant mais surtout ça fait du bien de lire un polar dont la seule ambition est de distraire et faire sourire. Dans la veine des films noirs dialogués par Audiard.

Merci pour ce dernier roman noir Mr Lemaitre.

Une famille presque normale de M.T. Edvardsson

Aujourd’hui je vous parle de “une famille presque normale” de M.T. Edvardsson, un auteur suédois dont c’est le premier roman traduit en France.

Adam est pasteur, sa femme Ulrika est avocate, ensemble ils ont une fille Stella, 19 ans. La famille parfaite, en apparence. Un évènement va chambouler ce bel équilibre. Au travers du récit de chacun des protagonistes, le lecteur va assister au basculement de cette famille.

Ce livre a été élu meilleur polar étranger pour le prix Nouvelles voix du polar en 2021. J’en ai également entendu énormément de bien sur les réseaux sociaux par des personnes ayant l’habitude de lire ce genre de thriller. Mon attente était donc plutôt élevée ! Je ne peux pas dire que j’ai été déçue, j’ai trouvé que le récit était très bien mené, surtout avec ce parti pris de donner la parole à chaque personnage pour permettre au lecteur d’avoir une certaine vue d’ensemble. Mais je crois qu’il m’a manqué quelque chose pour vraiment en faire, selon moi, un grand thriller.

Le sujet principal est en tous cas traité de manière intelligente. Jusqu’où iriez-vous pour protéger votre enfant ? Les parents de Stella sont confrontés à ce dilemme, protéger son enfant coute que coute ou dire la vérité ? Est-on responsable des actions et décisions de son enfant ? Est-ce notre faute si notre enfant prend des mauvaises décisions ? Toutes ces questions sont abordées dans ce thriller ainsi que la notion de culpabilité, les non-dits ou bien la manipulation.

Un bon thriller qui m’a laissé sur ma faim à cause de la fin.