« Toutes blessent, la dernière tue » de Karine Giebel

Orpheline de mère, Tama a 8 ans lorsque son père la confie à Mejda, une connaissance qui va l’emmener en France. Celle-ci promet de s’occuper d’elle, son père pensant que Tama aurait plus de chance là-bas. Mais Mejda, une fois en France, la vend comme esclave à sa belle-famille. Tama doit alors faire le ménage, la lessive, la cuisine, s’occuper des enfants et surtout supporter les brimades de ce couple hyper violent. Une couche à même le sol pour dormir et des restes pour repas.

Un véritable enfer qu’elle endure avec résignation. Tama apprend à lire et à écrire par elle-même et s’évade tous les soirs dans sa tête. Son seul moment de bonheur est la visite de Izri, le fils de Mejda, qui est l’unique personne à lui accorder de la considération.

Parallèlement on suit Gabriel. Un homme qui vit en ermite dans un endroit reculé. Hanté par un lourd passé, il trouve un matin une jeune fille blessée dans son écurie. Elle ne se souvient de rien. Qui est-elle?

Karine Giebel ne mâche pas ses mots et nous livre une histoire terrifiante. Terrifiante quand on sait que l’esclavagisme existe encore de nos jours et que des petites filles sont vendues comme des objets et sont moins bien traitées que des animaux de compagnie. C’est une fiction car c’est romancé mais le fond est une réalité.

On en oublie qu’il s’agit d’un thriller tellement l’histoire de Tama nous prend aux tripes. Une héroïne pure et dure qui courbe l’échine mais ne plie pas face à la violence dont on fait preuve à son égard. Karine Giebel nous propose un panel de personnages complexes où la ligne blanche entre le bien et le mal est très mince.

Que l’épaisseur de l’ouvrage ne vous effraie pas, « Toutes blessent, la dernière tue » se lit quasiment d’une traite, vous ne fermerez pas ce livre avant de savoir si Tama s’en sort à la fin.

Édition Pocket

« Une joie féroce » de Sorj Chalandon

Jeanne est libraire. Elle vit avec Matt dans une routine monotone depuis le décès de leur enfant. Mais alors qu’on lui détecte un cancer du sein, un sentiment refait surface, celui de vivre et d’être libre.

Les femmes qu’elle rencontre pendant ses séances de chimio et qui sont donc atteintes du même mal vont lui être d’un grand secours afin de reprendre sa vie en main.

C’est toujours avec plaisir que j’ouvre un roman de Sorj Chalandon. Je sais que je vais y trouver une histoire humaine. Une histoire qui va me toucher au cœur et qui va me faire réfléchir.

« Une joie féroce » ne déroge pas à la règle. L’auteur aborde un sujet douloureux, le cancer, et là où il aurait pu facilement y avoir du pathos, il n’y a que de la solidarité et de l’humour. Ces femmes ne baissent pas les bras, malgré les effets secondaires des traitements elles veulent profiter du temps qu’elles ont quitte à faire des choses qu’elles n’auraient jamais osé faire en temps normal.

De beaux portraits de femmes combatives et courageuses.

Édition Le Livre de Poche

« L’ile du Diable » de Nicolas Beuglet

Dans ce nouvel opus, on retrouve Sarah Geringën sortant de prison. En effet suite à sa dernière enquête et une terrible méprise, l’inspectrice des forces spéciales avait été emprisonnée à tort.

Mais alors qu’elle sort enfin, on lui annonce que son père a été assassiné. La mise en scène macabre laisse à penser que Sarah ne connaissait pas aussi bien son père qu’elle le croyait.

Elle se voit confier l’enquête de manière officieuse et ne va cesser d’être surprise.

Dans ce troisième roman Nicolas Beuglet continue de nous épater par sa maîtrise du suspense. Son héroïne a peu de répit, à peine sortie de prison elle est embarquée dans une quête vers la vérité. Il y a très peu de temps mort dans cette histoire, tout s’enchaine vite et j’ai eu l’impression de le lire d’une traite.

D’ailleurs le seul bémol que je pourrais émettre serait qu’il est trop rapidement lu. On aurait aimé que ça dure un peu plus et peut-être qu’il y ait plus d’interactions entre Sarah et Christopher.

Beaucoup de rebondissements donnent un rythme intense. En résumé un bon thriller!

Éditions Pocket

« Boréal » de Sonja Delzongle

Une équipe de scientifiques s’installe dans une base au Groenland afin d’y mener une mission de reconnaissance. Lors d’une expédition sur l’Inlandsis, ils découvrent des centaines de bœufs musqués pris dans la glace, un air de terreur dans leurs yeux.

Le responsable de la mission décide de faire venir Luv Svendsen, spécialiste des grands mouvements animaliers et qui recense les espèces en voie de disparition. Ceci lui fait une distraction, elle a été victime d’une tentative d’assassinat et sa fille ainée vient d’avoir un grave accident de moto.

Mais dès le lendemain de son arrivée sur la base, un des membres de l’équipe disparait.

Sonja Delzongle tient la gageure de mener une histoire haletante dans un univers de neige et de glace. On a le sentiment que les personnages sont dans un espace illimité et clos en même temps. Cela donne une ambiance oppressante qui va bien avec la noirceur des évènements. Sonja Delzongle va au bout de l’horreur dont sont capables les hommes.

Les personnages sont tous complexes et engagés dans leur cause. « Boréal » est un thriller très efficace mais il y a un sous-texte hyper intéressant sur l’écologie et la responsabilité des hommes sur le réchauffement climatique. Je ne vous cache pas que tout ça n’est pas très optimiste mais cela donne encore plus de matière à cette histoire qui n’en manque déjà pas.

Une très belle découverte!

Édition Folio

« Dans la toile » de Vincent Hauuy

Isabel Gros, critique d’art, vient de vivre un terrible cauchemar. Survivante d’une fusillade, elle a passé deux semaines dans le coma. Elle subit de lourdes séquelles, troubles de la mémoire, syndrome post-traumatique. Son mari, médecin, qui s’occupe d’elle, décide de l’emmener dans un chalet isolé dans les Vosges afin qu’elle se sente mieux loin du monde.

Mais la vie dans le chalet n’est pas de tout repos. Elle a des crises de somnambulisme, des trous noirs et son mari lui cache des choses.

Vincent Hauuy distille une atmosphère oppressante tout au long du roman. Huis clos un tantinet inquiétant où la paranoïa se mêle à l’irrationnel. Le lecteur ne sait pas si Isabel est dérangée ou si vraiment il se passe des choses bizarres autour d’elle.

L’auteur est très habile et surprend constamment le lecteur, on croit comprendre ce qu’il se passe mais les choses ne sont jamais aussi simples qu’on pourrait le croire.

Voilà un thriller psychologique des plus efficaces.

Édition Le Livre de Poche

« Octobre » de Søren Sveistrup

Une jeune femme est retrouvée dans une aire de jeux pour enfants. Son corps mis en scène est amputé d’une main, un petit bonhomme fabriqué en marrons accroché au-dessus d’elle. L’enquête est confiée à Naia Thulin, qui pense à son prochain départ de l’équipe, et à Mark Hess, transfuge de Europol. Très vite une deuxième femme est assassinée avec la même mise en scène. On découvre que les empreintes d’une petite fille disparue depuis un an apparaissent sur les marrons.

Je n’en dis pas plus car il faut vraiment découvrir ce thriller sans en savoir trop. Je ne connaissais pas moi-même l’histoire, je m’étais laissée guider par toutes les bonnes critiques que j’avais vu passer. Et je l’ai dévoré.

Tout est bien fait dans cette histoire. Le prologue qui intrigue, les scènes de crime macabres, les personnages de policiers tout en failles et questionnements, l’ambiance tendue et le dénouement inattendu. Une maîtrise du suspense qui tient tout le long, des petits rebondissements qui nous font croire qu’on a compris qui était le meurtrier.

Je me suis laissée totalement embarquer par ce premier roman. Søren Sveistrup est le scénariste de la série « The Killing », on sent la technique du raconteur d’histoires.

Bref très efficace et addictif, tout ce qu’on attend d’un bon thriller.

Édition Le Livre de Poche

« Qaanaaq » de Mo Malø

Qaanaaq Adriensen est envoyé au Groenland pour une enquête. Adopté à l’âge de trois ans, il n’est jamais revenu sur sa terre natale. Il y va de mauvaise grâce, habitué à mener ses enquêtes à Copenhague.

Trois ouvriers d’une plateforme pétrolière ont été retrouvés sauvagement assassinés. Tout laisse penser qu’ils auraient été attaqués par un ours. Épaulé par l’inspecteur Apputiku, il va devoir conduire ses investigations malgré l’ambiance haineuse envers les danois et la responsable locale qui ne voit pas son arrivée d’un bon œil.

Enfin je peux dire que j’ai lu un roman policier de Mo Malø. Encensé sur les réseaux sociaux pour son dernier opus, il me semblait plus juste de commencer par le premier afin de découvrir les prémices de son personnage principal, Qaanaaq.

Loin d’être déçue j’ai retrouvé tout ce que j’aime dans ce genre de romans scandinaves. Une ambiance hors du commun dans des contrées hostiles, des personnages brut de décoffrage qui vivent selon des coutumes ancestrales et bien sûr une enquête passionnante.

On fait connaissance avec Qaanaaq, inspecteur danois intuitif et droit dans ses bottes. Il part au Groenland pour résoudre des meurtres mais aussi pour découvrir une partie de son passé. Mo Malø mêle les deux trames avec brio.

Idéal pour les fans (comme moi) des auteurs nordiques.

Édition Points

« Seul le silence » de R.J.Ellory

Au fin fond de la Géorgie, Joseph, douze ans, vit seul avec sa mère, son père étant récemment décédé. Près de chez eux des fillettes sont sauvagement assassinées après avoir été violées. Cela dure depuis quelques mois, Joseph découvre même une des victimes aux abords de sa maison. Cet évènement va le marquer à jamais. Et même alors qu’il aura quitté la région pour s’installer à New-York, cette histoire va le rattraper, les meurtres n’ont jamais cessé.

Premier roman de R.J.Ellory édité en France, « Seul le silence » marque le début d’un auteur important, qui a son univers à lui et sa façon propre de raconter des histoires.

« Seul le silence » est un roman prenant, intense. Ellory nous compte l’histoire de Joseph, un homme aux prises avec les démons de son enfance, hanté par les meurtres barbares de petites filles qu’il connaissait. Exceptionnellement doué pour l’écriture, il va s’en servir pour exorciser tout ça. Accablé par les évènements tragiques qui traversent sa vie, il n’aura de cesse de trouver l’assassin.

Un roman dense et poignant. On suit ce personnage de son enfance à son âge adulte et on est en totale empathie avec lui. Comment peut-on vivre en endurant tant de souffrance? Un roman noir avec en filigrane ces meurtres commis par un esprit complètement dérangé.

Je ne peux que vous le recommander.

Édition Le Livre de Poche

« La vallée » de Bernard Minier

Lire un roman de Bernard Minier mettant en scène son personnage fétiche Martin Servaz, c’est comme retrouver un membre de la famille. Dans le dernier opus, « Sœurs » on l’a laissé en piteux état et on a envie de prendre de ses nouvelles.

Martin Servaz se remet donc doucement des derniers évènements, l’opération de son fils s’est bien passé mais il est sur le coup d’une mise à pied suite à sa dernière enquête, il a été rétrogradé et ne doit plus rentrer en contact avec ses collègues. Un coup de fil va perturber ce semblant d’équilibre. Marianne, son ancienne compagne, disparue depuis 8 ans, l’appelle à l’aide du fin fond des Pyrénées.

Voilà notre héros qui se précipite dans la vallée où le téléphone de Marianne a borné. Il n’a aucune idée de ce qui l’attend. Deux meurtres particulièrement atroces viennent justement d’y être commis. De manière informelle, il va épauler son ancienne collègue Irène Ziegler qui est sur l’enquête.

J’ai dévoré ce nouveau thriller de Bernard Minier. Plus de cinq cents pages qui se lisent facilement car l’auteur a le don de nous mener là où il a envie. Difficile pour le lecteur de ne pas vouloir connaître la suite. Il y a de la tension, du suspense, des personnages ambigus et un environnement, la montagne, qui est lui-même un personnage à part entière. « La vallée » est un huis clos gigantesque où le mal sévit, lieu de mises en scène macabres.

En le refermant il nous tarde juste de savoir quelle sera la prochaine épreuve de Martin Servaz!

XO Éditions

« Le jour des cendres » de Jean-Christophe Grangé

Au sein d’une communauté anabaptiste appelée « Les Émissaires », un meurtre a été commis. Le chef de ce groupe isolé au cœur de l’Alsace est mort enseveli sous les voutes de la chapelle en rénovation. Si l’accident est dans un premier temps évoqué, essentiellement par les adeptes de la communauté, Niémans est appelé pour éclaircir les choses.

Sa coéquipière Ivana est déjà là sous couverture. Elle a été engagée pour faire les vendanges, le seul moment de l’année où des étrangers sont autorisés à entrer sur les terres des Émissaires.

Dans cette communauté religieuse où la non-violence et l’innocence sont élevées comme des étendards, qui a bien pu commettre l’irréparable? Les membres de cette secte sont-ils tous si inoffensifs ?

Jean-Christophe Grangé continue sur sa lancée de « noveliser » un épisode de la série « Les Rivières Pourpres » diffusée sur France Télévisions. Personnellement je n’ai pas regardé la série donc pour moi, c’était de l’inédit! On retrouve donc avec plaisir le commandant Niémans, toujours aussi bourru et limite misogyne, et sa collègue Ivana, à fleur de peau.

Grangé nous immerge dans un monde clos, celui d’une communauté religieuse aux principes ancestraux. L’ambiance y est assez pesante, les gens mutiques. La région alsacienne et l’époque des vendanges rajoutent de la densité à cette atmosphère déjà lourde.

Jean-Christophe Grangé délaisse les scènes d’hyper violence auxquelles il nous a habitué pour nous offrir un thriller qui joue plus sur le suspense et une tension latente.

Un roman court et efficace