« Au revoir là-haut » de Pierre Lemaître

Chronique de livres et conseils de lecture "au revoir la-haut" de Pierre Lemaitre par MLBA
Chronique de livres et conseils de lecture « au revoir la-haut » de Pierre Lemaitre par MLBA

Vous aimez l’idée de revanche et les histoires de crapule?
Vous aimez Marc Dugain ou Jean Echenoz?
Voici ma potion:

Deux rescapés de la guerre de 14 vont s’allier pour monter une grosse escroquerie basée sur le sentiment patriotique.

Albert Maillard et Edouard Péricourt sont littéralement des rescapés. Alors que tout les oppose, à commencer par le niveau social (Albert vient du milieu ouvrier, Edouard est fils d’un industriel plein aux as) la guerre va les lier à jamais. Edouard sauve la vie d’Albert lorsque celui-ci était en train de mourir étouffé sous un amas de terre. Mais en lui sauvant la vie, Edouard va se retrouver défigurer suite à l’explosion d’un obus. Il devient une véritable gueule cassée. Albert fait alors tout pour que son sauveur survive.

A la démobilisation une nouvelle vie commence. Edouard ne souhaite pas retourner chez lui, il est méconnaissable, n’a plus de figure, de mâchoire et ne peut plus parler. Il demande à Albert de lui trouver une nouvelle identité. Ils vont le faire passer pour mort auprès de sa famille.

Un nouveau combat pour la survie débute. Les anciens poilus sont considérés comme les rebuts de la société. Albert subvient aux besoins du duo par de petits boulots, surtout qu’Edouard est devenu accro à la morphine. Ce dernier, excessivement doué en dessin, décide de monter une arnaque. Ils vont vendre des monuments aux morts aux communes, demander une avance et s’enfuir avec le pactole. Albert d’abord réticent se laisse entrainer dans l’affaire.

En parallèle, le lecteur suit Henri d’Aulnay-Pradelle, capitaine de nos deux personnages pendant la guerre, un être sans scrupule qui a de l’ambition à revendre, prêt à tout pour réussir. Il épouse la sœur d’Edouard pour s’établir dans les beaux milieux de Paris et se servir du nom de son beau-père comme faire-valoir. Il se lance, lui-aussi, dans une arnaque qui n’en a pas le nom, mettre en place des cimetières d’anciens combattants pour que les familles puissent se recueillir. Mais étant un personnage sans état d’âme, il va monnayer le prix des cercueils (moins chers), quitte à mélanger les soldats et ne pas savoir qui est enterré (après tout les parents ne vont pas regarder dedans). Tout ça à ses risques et périls.

Pierre Lemaître nous tient en haleine du début à la fin. Il nous offre un roman passionnant sur une période noire de notre histoire. On découvre tout le trafic qui a pu être fait suite à la guerre, comment des hommes se sont enrichis grâce au chagrin, comment les soldats qui ont combattus pour la France se sont retrouvés sans rien, à la rue.

Albert et Edouard veulent une revanche sur la vie. Ce qu’ils ont donné en combattant personne ne leur rendra.

Une véritable fresque historique, un roman noir très cynique. On sent bien que l’auteur vient du polar, il sait distiller la tension quand il faut avec une écriture et un style très efficace.

Ne vous arrêtez pas au sujet de l’après-guerre si vous n’êtes pas féru d’histoire, c’est avant tout un magnifique roman.

Edition Albin Michel

« La nuit en vérité » de Véronique Olmi

Chroniques de livre & conseils de lecture la nuit en vérité de Véronique Olmi par MLBA
Chroniques de livre & conseils de lecture la nuit en vérité de Véronique Olmi par MLBA

Vous aimez les histoires de quête de soi, les romans sur l’adolescence?
Vous aimez Sylvie Germain, Claudie Gallay?
Voici ma potion:

Enzo, 12 ans, vit avec sa mère Liouba dans un grand appartement parisien. On comprend rapidement qu’ils ne sont pas chez eux. Liouba garde et fait le ménage de l’appartement pendant que les propriétaires sont en voyage.

Liouba est une toute jeune mère, Enzo étant né alors qu’elle n’avait que 16 ans. Enzo est un jeune garçon très enrobé qui subit constamment les mauvaises blagues de ses camarades. Il est la cible de toute la haine que peuvent contenir les adolescents. Non seulement il est hors norme parce qu’il est gros mais en plus il s’appelle Popov, sa mère ayant de lointaines origines russes, ce qui catalyse d’autant plus le regard des autres.

Véronique Olmi nous offre deux personnages mal dans leur peau et mal dans leur vie. Liouba est mère mais étant encore très jeune elle a aussi envie d’en profiter. Elle se lance tous les jours dans un ménage acharné alors que les propriétaires ne sont quasiment jamais là. Elle veut prendre soin de son fils sans réaliser ou sans vouloir s’avouer que celui-ci a des problèmes.

Enzo est un adolescent perturbé, mal dans sa chair, qui ne trouve que du bien-être en mangeant. Il est perdu, n’a jamais su qui était son père et n’ose pas poser de question à sa mère qui refuse de parler du passé ou de sa famille. Il subit les brimades des collégiens sans se révolter comme s’il acceptait tout ça, comme si c’était normal.

Jusqu’au jour où les brimades se transforme en véritable lynchage.

Le garçon échappe à sa condition par la lecture qui nourrit son imaginaire et surtout grâce à ses « virées » nocturnes. Dans ses rêves (bien qu’on ne sache jamais vraiment s’il est éveillé ou endormi), il s’enfuit de la petite chambre qu’il partage avec sa mère et rencontre des personnages, notamment un soldat russe de 14 ou un de ses ancêtres.

Véronique Olmi décrit avec justesse et tendresse cette relation mère-fils un peu marginale. Tout en pudeur, ces deux personnages ne savent pas comment se dire qu’ils s’aiment.

Enzo va devoir trouver tout seul une échappatoire à sa condition.

Beaucoup de thèmes sont abordés dans ce roman, outre la relation mère-fils, l’auteur parle de l’adolescence, de l’exclusion, de l’importance des origines et de savoir d’où l’on vient.

Un nuit en vérité pour une quête de soi.

Edition Albin Michel

« Les perroquets de la place d’Arezzo » de Eric-Emmanuel Schmitt

Les perroquets de la place d'Arezzo
Chroniques de livre & conseils de lecture. Les perroquets de la place d’Arezzo de Eric-Emmanuel Schmitt par Ma Libraire Bien-Aimée.

Vous aimez les histoires d’amour, les romans chorale?
Vous aimez Anna Gavalda ou Joseph Connolly?
Voici ma potion:

Une lettre anonyme vient perturber le quotidien du quartier de la place d’Arezzo à Bruxelles. Quartier très huppé fréquenté depuis de longues années par toute une population de perroquets et autres perruches, on raconte qu’un consul brésilien séjournant dans le quartier est reparti en libérant ses volatiles. Ceux-ci donnant une ambiance exotique au lieu.

Cette lettre anonyme ne vient pas d’un corbeau désireux de médire sur les gens, il s’agit là au contraire d’un message d’amour: « Ce mot simplement pour te signaler que je t’aime. Signé: tu sais qui. »

Chaque riverain de la place d’Arezzo reçoit sa petite missive et celle-ci va engendrer bien des conséquences, permettant à certains de dévoiler leur amour, à d’autres d’y mettre fin, bref personne ne sera épargné.

Eric-Emmanuel Schmitt nous propose un beau panel des comportements amoureux et sexuels du xxi ème siècle.

Il décrit tous les scénarios imaginables : du jeune homme puceau ne supportant pas les contacts physiques au trio amoureux, du couple gay à l’adepte du sado-maso, du transexuel à l’homme politique se servant de son pouvoir pour abuser des femmes (qui n’est pas sans nous rappeler quelqu’un).

Tout le monde s’aime ou se déteste ou les deux, tout le monde couche avec tout le monde. Les habitants de ce quartier à l’instar des perroquets ont un appétit sexuel débordant.

Les personnages, faisant l’objet chacun leur tour d’un chapitre, sont haut en couleurs, ils ont tous en eux des souffrances intérieurs et sont tous très complexes.

On sent bien que Eric-Emmanuel Schmitt s’est amusé en écrivant ce livre et il ne faut pas avoir peur du pavé de sept cent pages, il se lit très facilement.

Un roman fleuve comme essai sociologique du comportement amoureux.

Edition Albin MIchel